Grace à la médiation de la Turquie les ministres des Affaires étrangères des deux pays africains ont finalement entamé un dialogue « franc et cordial »
(AGI) – La longue crise diplomatique qui affecte depuis des mois l’Éthiopie et la Somalie pourrait être proche d’un tournant. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays africains, l’Ethiopien Taye Atske Selassie et le Somalien Ahmed Moalim Fiqi, se sont rencontrés hier à Ankara, en présence du chef de la diplomatie turque, Hakan Fidan. Grâce à sa médiation ils ont convenu de poursuivre leur dialogue et de se retrouver de nouveau dans la capitale de la Turquie, le 2 septembre prochain.
Les deux ministres, lit-on dans un communiqué publié par le ministre éthiopien des Affaires étrangères, ont eu des entretiens « francs, cordiaux et clairvoyants », visant à résoudre les désaccords et ils ont « exploré toutes les perspectives pour les résoudre dans un cadre mutuellement acceptable ».
Un protocole d’accord controversé, signé en janvier dernier par le gouvernement d’Addis-Abeba avec la République autoproclamée du Somaliland, pour obtenir l’accès à la Mer Rouge en échange de la reconnaissance de l’indépendance d’Hargheisa, a fait monter la tension entre les deux pays de la Corne de l’Afrique.Les pourparlers d’Ankara représentent donc un tournant qui était attendu, car la semaine dernière, après des mois de tons très tendus qui laissaient présager le pire, le président somalien Hassan Sheikh Mohamud avait déclaré – de manière surprenante – que la Somalie n’entendait pas empêcher l’Éthiopie d’avoir accès à la Mer Rouge. Le chef d’état de la Somalie avait demandé qu’un tel accès se fasse en appliquant les mêmes modalités de coopération en vigueur avec les autres pays, en soulignant qu’il n’accepterait aucune autre solution qui aille au-delà.
« Si l’Éthiopie veut avoir accès à la mer de Somalie, nous ne sommes pas contraires, mais nous voulons qu’elle ait accès de la même manière que l’Ouganda a accès à la mer du Kenya, de la même manière que le Burundi et le Rwanda ont accès à la mer de Tanzanie, et de la même manière que la Somalie a accès à la mer de Djibouti », a déclaré Mohamud dans un discours prononcé à Mogadiscio sur le renforcement de la coopération régionale au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Des déclarations qui ont fini par susciter la colère de l’opinion publique somalienne et des réactions d’indignation sur les réseaux sociaux.Signé le 1er janvier dernier par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le leader du Somaliland, Muse Bihi Abdi, le protocole d’accord prévoit la concession à l’Éthiopie de 50 kilomètres de terres le long de la côte du golfe d’Aden du Somaliland pour une durée d’au moins 85 ans, en échange de la reconnaissance de l’indépendance d’Hargheisa et de sa participation à la compagnie aérienne nationale éthiopienne, Ethiopian Airlines. Pour Addis-Abeba, l’accord représenterait un tournant important pour le commerce éthiopien, offrant une route commerciale alternative précieuse vers le port de Djibouti, dont dépend actuellement plus de 85% de ses importations et exportations. Cependant, l’accord a déclenché une crise diplomatique entre l’Éthiopie et la Somalie, qui le considère comme une atteinte à sa souveraineté, et a fini par impliquer des acteurs régionaux, la Turquie en premier lieu.
Pour tenter de consolider ses relations avec les pays amis et de se protéger d’une menace éthiopienne redoutée, le gouvernement de Mogadiscio a signé fin février un accord de coopération militaire avec Ankara, qui prévoit la formation et la fourniture d’équipements à la marine somalienne. Cela permettra à la Somalie de protéger ses eaux territoriales contre des menaces telles que le terrorisme, la piraterie et « l’ingérence étrangère ». Pour la Turquie, en revanche, l’accord constitue une étape cruciale pour s’assurer une place au premier rang à l’embouchure de la mer Rouge, où elle recherche de nouvelles opportunités commerciales après son exclusion du corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (India-Middle East-Europe Economic Corridor, IMEC), lancé lors du sommet du G20 à New Delhi en septembre dernier.
Source (AGI)