Organisée le 21 septembre 2024 par le Réseau des Acteurs du Développement Durable (RADD) en collaboration avec huit associations de femmes riveraines des agro-industries, cette journée a mis en lumière les injustices vécues par les communautés face aux pratiques néfastes des entreprises. Le thème de cette année, « La restauration des terres, l’arrêt de la désertification et le renforcement de la résistance à la sécheresse », a résonné tout au long des activités à Kienké, localité du département de l’Océan, Région du Sud du Cameroun. En savoir davantage.
Kienke est un village de l’arrondissement de Lokoundje. Il se trouve à 4 km d’Akom2 sur la piste qui lie Akom2 à Bipindi. La localité a connu une ambiance particulière à l’occasion de cette célébration. Les participants ont rappelé les conséquences dévastatrices de l’accaparement des terres pour l’établissement de plantations industrielles d’arbres. De nombreux témoignages ont évoqué les violations des droits des communautés, la destruction des forêts et la pollution des cours d’eau, mettant en avant des cas emblématiques comme celui de la communauté d’ApouhAngock face à la Société Camerounaise de Palmiers (Socapalm). « Nos terres, notre avenir. Nous sommes la #GénérationRestauration. », c’est le slogan adopté par les participants. Cette déclaration a renforcé l’engagement collectif pour la protection des terres et des droits des communautés. Au cours de cette célébration, les femmes riveraines ont formulé des revendications essentielles, affirmant leur droit à La vie et la sécurité ;Un espace vital respecté ;L’éducation de qualité pour leurs enfants ;Des conditions de travail décentes ;L’accès à des soins de santé adéquats ;Un développement économique durable ;La semence paysanne pour garantir leur souveraineté alimentaire ;La terre qu’elles ont toujours cultivée et L’eau potable.
Marie Crescence Ngobo, Secrétaire exécutive du RADD, a souligné l’importance de cette journée : « Le 21 septembre, tous les défenseurs des droits des communautés vivant autour des grandes plantations de monoculture, et en particulier les riveraines victimes, marquent systématiquement un temps d’arrêt. Ce moment leur est accordé pour faire entendre leurs voix et exiger, au-delà du respect de leurs droits, la cessation des abus perpétrés par ces agroindustries, la justice pour les victimes, ainsi que l’arrêt de toute expansion des grandes plantations de monoculture d’arbres. » a-t-elle déclaré avant d’ajouter que « Créées bien avant les indépendances, ces grandes plantations accaparent des centaines de milliers d’hectares, détruisant la forêt, la biodiversité et la vie des peuples, tout en polluant les cours d’eau et l’environnement, sans offrir de solution ou de compensation adéquate et durable. Les femmes sont les plus touchées. Dans ces prisons vertes, elles subissent, dans le silence, toutes formes d’abus et de frustrations, allant jusqu’à la perte de leur dignité. ».
Échanges et Sensibilisation
Au cours de cette journée, des ateliers ont permis des échanges d’expériences entre riverains et invités d’autres pays, renforçant ainsi la solidarité internationale. Des sessions de formation ont outillé les participants avec des techniques de revendication, leur permettant de mieux défendre leurs droits.Les débats ont également permis une sensibilisation accrue sur l’impact des monocultures et les moyens de lutter contre ces pratiques destructrices.
La célébration du 21 septembre a été un moment fort de mobilisation et de solidarité. Les participants ont quitté l’événement avec un engagement renouvelé à défendre leurs terres et leurs droits, conscients que la lutte pour un avenir durable est une responsabilité collective. Ensemble, ils ont affirmé que « Nos terres sont notre avenir » et ont promis de continuer à exiger le respect de leurs droits.
La secrétaire executive de Journalists for Earth a déclaré que « Les témoignages poignants des riveraines des agroindustries au Cameroun révèlent une réalité insupportable : des violences et des abus qui gangrènent leur quotidien. Ces actes ne sont pas seulement inacceptables, ils sont une honte pour la société. Il est crucial d’interpeller toutes les femmes encore silencieuses, afin qu’elles unissent leurs voix à celles-ci et revendiquent leur droit à la dignité et à la sécurité. Il est temps d’amplifier la dénonciation de ces injustices. Les autorités doivent mettre un terme à l’octroi de permis à ces entreprises qui détruisent massivement les forêts, exacerbent les changements climatiques et exploitent les communautés. ».
Quelques Témoignages de riveraines des agroindustries du Cameroun
Ngon Bissou Félicité, riveraine d’Edea « Nous n’avons pas la vie, nous n’avons pas de vie. La SOCAPALM est venue nous maltraiter sur nous terres. Cette entreprise ne veut pas de nous, chez nous. Elle s’est emparée de nos terres, et de tout ce que nous avions comme éléments de bien-être. Non, nous n’avons pas la vie chez nous ».
Ngo Ndoumé Marie Thérèse
« La Socapalm a pris toutes nos terres sans même nous laisser où on peut faire nos champs. Les arbres que vous apercevez au fond sont très loin, du côté du département de l’Océan. Il faut payer entre 1500FCFA et 2000FCFA pour un aller simple à moto à 20 km du village, en traversant de multiples barrières, pour disposer d’un petit lopin de terre à cultiver. »
Mbiahe Regine
« Les problèmes des femmes de ce village sont très graves. Vous avez bien vu, nous sommes entourées de palmiers. Nous avons besoin de nos terres pour cultiver. Pendant que nous souffrons de l’accaparement de nos terres, nous souffrons également de la famine. Ce qui est triste c’est que, lorsqu’ils viennent couper les noix des palmiers plantés jusqu’aux abords de nos maisons, nous n’avons pas droit à un seul fruit qui tombe. »
Nyangon Nsombo Judith
« Je peux dire que les activités de la SOCAPALM ont eu un impact particulièrement négatif sur ma vie. De nombreux employés de cette entreprise se sont livrés à des agressions sexuelles sur les femmes de la localité, et ma mère en a été victime. Je suis donc le produit d’un viol. A cause de ce qui s’est passé, ma mère a été rongée par la colère des années durant. Cela a eu des effets négatifs sur mon suivi, je n’ai pas pu continuer mes études. Je suis une enfant mal-aimée, non-désirée. Tout cela à cause de la SOCAPALM. Cette société a ruiné mon avenir, et elle continue de perpétrer ses exactions. »
Gwos Jacqueline
« Le viol est l’une des manifestations les plus abjectes de cette violence. Les cas sont nombreux, et aucune femme n’est véritablement à l’abri, sans que nous ne puissions-nous plaindre, vu que nous avons déjà du mal à dire que nous avons été violées. La plupart de ces cas de viols sont perpétrés dans les champs, par des individus souvent masqués. Celles qui en ont été victimes sont en proie à la honte, et n’ont même pas les moyens de s’offrir des soins. A cause de cela, beaucoup craignent désormais d’aller aux champs ou chercher du bois. Et le silence règne sur tout cela. »
Memana Marie Chantal
« Notre quotidien à nous autres riverains de SUDCAM est fait de violences, dues à l’action des employés de SUDCAM. Ma fille a été victime d’un viol perpétré par ces gens. Avec l’appui de quelques ONG, nous avons porté plainte et eu gain de cause. Ces gens, ils étaient cinq, croupissent en prison à l’heure actuelle. Les ONG qui officient dans notre zone, à l’instar du RADD, sont notre planche de salut. Sur un tout autre plan, l’entreprise recrute très peu de riverains de Nlomesse. Le plus souvent, à des postes subalternes et précaires. Pourtant, ils sont installés sur nos terres. L’inquiétude est le pain quotidien des populations, car nous nous demandons comment nous allons vivre. »
Nyangone Christelle
« Nous sommes obligés de brader le caoutchouc que nous produisons, car c’est une denrée qui ne se mange pas. A ceci s’ajoute le fait que nos enfants, qui pourraient nous soutenir ne sont recrutés que de manière marginale au sein de l’entreprise. De plus, vous ne trouverez aucun riverain qui occupe un poste de responsabilité à HEVECAM. Pourtant, en dépit de l’occupation sans cesse croissante des terres arables par HEVECAM, nous continuons de porter nos revendications de manière pacifique. Notre souhait est que nous les riverains et l’entreprise exploitante puissions travailler la main dans la main, pour la satisfaction de tous. Nos revendications sont justes, elles ne doivent pas être mal perçues par HEVECAM. Nous déplorons le fait que pour qu’une quelconque concession soit faite aux riverains, les autorités doivent intervenir ».
APN