Le Cameroun a adopté en novembre 2020 son nouveau plan décennal de développement, sous l’appellation de la Stratégie Nationale de Développement à l’horizon 2030 (SND30). Elle intervient à la suite du DSCE (2010-2019). Beaucoup a été dit et écrit sur les résultats et le bilan de cette première stratégie (phase 1 de la Vision 2035). A travers cette initiative le gouvernement a pris de nouvelles orientations et des engagements. Dans une riche réflexion intitulée « Stratégie Nationale de Développement 2030 et Nouveau Programme Économique Triennal 2021-2024 : Quelles capacités et compétences essentielles nécessaires pour réussir le mariage(des incompatibles) ? , Barnabé OKOUDA, indique que le rôle du Centre d’Analyse et de Recherche sur les Politiques Économiques et Sociales du Cameroun (CAMERCAP-PARC), désormais, est d’accompagner les autorités au mieux de ses capacités et compétences. Lire en intégralité cette volumineuse réflexion qui donne des pistes de solutions idoines pour l’atteinte des objectifs de la SND30.
Dans la foulée et à peine lancée, la SND30, sans avoir fait ses premiers pas, se retrouve en concurrence déloyale avec un nouveau programme économique et financier. En effet, aux dernières nouvelles officielles, après des semaines de négociations officielles par les plénipotentiaires du gouvernement camerounais, le Conseil d’administration du Fonds Monétaire International (FMI) devrait se prononcer ce mois de juin (le 25) pour approuver un énième programme économique et financier pour le Cameroun[1]. En langage simple, le pays rentre à nouveau dans un programme d’ajustement structurel.
Être pour ou contre n’est pas notre objectif encore moins la raison d’être de cette note. Notre préoccupation en guise de réflexion à cet instant, porte sur les capacités et compétences nécessaires pour concilier l’eau et le feu, organiser le mariage des incompatibles, faire cohabiter les 02 programmes.
Essayons donc de réaliser la quadrature du cercle, conscient que c’est un exercice à hauts risques immanquablement ! Pour cela nous allons emprunter la méthodologie du Country Policy Institutions Assessment ( CPIA), une méthode d’évaluation des politiques et des institutions des pays , appliquée par la Banque mondiale ( BM) , la Banque africaine de développement ( BAD) et Fondation Africaine pour le renforcement des capacités (ACBF). Nous combinons au CPIA, l’approche des capacités et des compétences essentielles développée par ACBF.
En effet, la philosophie ayant conduit à la création de l’ACBF et qui continue à sous-tendre son action et ses interventions (aujourd’hui comme organe spécialisé de l’Union Africaine en charge du capacity building) part du principe et du constat que : ce ne sont pas les ressources qui font défaut à l’Afrique pour son décollage, mais les capacités et les compétences. Pour cela, ces capacités peuvent être regroupées en 03 ou 04 catégories, et les politiques économiques en 05 axes. Notre exercice périlleux va donc consister à projeter les besoins essentiels selon ces 0 5 axes.
Quant au CPIA, c’est une méthode d’évaluation des institutions et des politiques utilisée par partenaires au développement cités plus haut pour jauger les capacités à la base et analyser les résultats à moyen terme ( passé et futur) du fait de ces données d’entrée.
I. LES POLITIQUES PUBLIQUES
Cette partie va analyser les principaux domaines des politiques publiques que sont (A) la Gestion Économique, (B) les Politiques Structurelles, (C) les politiques d’inclusion et d’Équité sociale , (D) la Gouvernance et la Gestion et institutions du secteur public , et la politique des Infrastructures et d’Intégration régionale, dans le contexte et les projections de la SND30.
A. La Gestion macroéconomique
Nous allons nous intéresser aux questions macroéconomiques sur 02 aspects seulement, mais essentiels, sur les 04 (que propose la théorie économique)[2].
A1. La politique monétaire
L’appartenance du Cameroun et des autres pays de sous-région CEMAC à la zone CFA leur impose une politique monétaire supranationale, gérée « officiellement » par la BEAC. Les débats sur la souveraineté monétaire des états continuent de faire du chemin. Les évolutions certes contrastées dans la zone UEMOA intégrée dans la CEDEAO, même si elles n’ont pas totalement abouti indiquent la voie. L’avenir du Franc CFA est dans un cul de sac et sans lendemain.
Que d’attendre que le sort soit scellé par d’autres sans nous, il est nécessaire d’anticiper et de prendre les mesures qui conviennent pour assurer et garantir une souveraineté monétaire des états de la sous-région et dont du Cameroun. Le temps est désormais favorable pour le Cameroun de faire un choix et de l’assumer. Cette vision avait déjà été évoquée dans le DSCE, mais n’a pas prospéré au cours de la dernière décennie. La SND30 ne devrait plus rater cette opportunité. Les incertitudes et les atermoiements sur la question monétaire, qui inclut la gestion et l’avenir immédiat du FCFA ne sont pas compatibles avec les objectifs de développement à long terme de la SND30.
À titre d’illustration et pour le citoyen ordinaire, la rareté actuelle des pièces de monnaie et des petites coupures de billet de banque au Cameroun, crée et maintient une inflation artificielle qui n’encourage pas la consommation et par ricochet la production. Cela dure bientôt dix ans et le phénomène s’accentue malgré les déclarations de la BEAC d’y remédier.
Oui, les chinois exportent les pièces de monnaie de la zone CFA/CEMAC, mais pourquoi ces chinois ne sont pas friands de CENTS américains ou des CENTIMES d’Euros? La Banque centrale du Burundi met en circulation des billets pour des montants équivalents à moins de 5FCFA […][3] . De même, la Banque centrale éthiopienne fait circuler un billet de 5 ETB (Ethiopian Birr) valant moins de 100F CFA. Pourquoi la solution serait-elle si difficile pour la zone CEMAC et le Cameroun ? Cherchons l’erreur.
A2. Sur la politique budgétaire et de la dette
Les enjeux et les défis de la SND30 sont hautement cruciaux sur le plan budgétaire. Les résultats non accomplis du DCSE n’ont pas donné de marges de manœuvre au gouvernement. Achever et rendre opérationnels les grands projets de la décennie 2010-2020 afin de retrouver le sentier de croissance vers l’émergence, exige une mobilisation importante des ressources budgétaires (1). Par ailleurs, les progrès ou les nouveaux engagements de la SND30 pour la transformation structurelle de l’économie, notamment à travers la mise en œuvre du PDI (Plan Directeur d’Industrialisation actualisé) requièrent également des ressources budgétaires colossales (2).
De manière linéaire donc la combinaison des 02 orientations ci-dessus (1) +(2) recommande une politique budgétaire plus ambitieuse et innovante, associée à une stratégie d’endettement souple et ajustable en quasi temps réel.
Or, le pays s’engage de nouveau (juin 2021) dans un programme économique avec le FMI (et les autres PTFS certainement), ce qui impose fatalement une obligation de consolidation budgétaire[4], de surveillance rapprochée et doublée d’une extrême prudence sur le plan budgétaire. Les 02 options sont manifestement incompatibles ! Bien qu’il soit déclaré que le nouveau programme va s’appuyer sur la SND30, nul n’est besoin d’être expert des programmes du FMI pour comprendre que c’est de l’habillage diplomatique, techniquement, cela veut simplement dire que l’on va désormais choisir des priorités dans les priorités de la SND30 qui sont compatibles avec le programme.
L’entrée sous-programme avec le FMI contredit et hypothèque les objectifs de développement de la SND30 qui prévoit pour ses 2 premières années, d’importantes réformes pour mettre en branle la transformation structurelle et l’industrialisation envisagées.
Cela fera un an à peine que la SND30 a été lancée et qu’elle n’a véritablement pas démarré son premier plan d’action triennal, sa course ressemble désormais à celle d’un athlète, qui au départ d’une course de 100 mètres (par ce qu’il s’agit d’aller vite et bien), se voit surchargé d’un chronomètre de 10 kg sur son pied droit, sous le prétexte de contrôler sa course. Atout ou handicap ? Cherchons l’erreur.
À notre humble avis, le débat lancé et suscité dans les media et l’opinion publique sur l’endettement du Cameroun est inopportun sur le volume et le rythme d’endettement. La bonne problématique à adresser devrait porter sur la qualité et la gestion de la dette. Ce que l’on en fait et les résultats obtenus. Si à chaque fois que le pays s’endette pour 1000 F CFA, la bonne utilisation de cette ressource additionnelle permet d’obtenir 1300 FCFA qui lui permette de rembourser 1100, et créer une richesse de +200, sa crédibilité reste intacte malgré le volume de sa dette. C’est le cas de tous les pays comme les USA, le Japon, etc.
Une fois de plus, comme le DSCE, la SND30 n’aura pas de vie tout comme ce fut le cas du 5è plan quinquennal (1986-1990). Les objectifs devraient donc être révisés en intégrant cette contrainte du Programme Économique pour les 03 prochaines années avec lucidité et réalisme. À cet effet, peut-être une lueur d’espoir viendrait en ce qui concerne les recettes de (1) réaliser enfin le potentiel fiscal correspondant à notre économie, et (2) relever avec efficacité le challenge de la maîtrise des recettes non fiscales[5] , qui offrent encore des marges importantes.
A. Les Politiques structurelles
Le pays a fait le choix théorique et « intellectuel » de la transformation structurelle de son modèle économique; et le vecteur principal sur le plan opérationnel est le Plan Directeur d’industrialisation actualisé pour être en cohérence avec la SND30 (et les autres engagements Agenda 2030 des ODD et Agenda 2063 de l’Union Africaine). Pour le citoyen ordinaire, cette transformation structurelle devrait être visible et perceptible à travers une offre abondante des produits de consommation courante « made in Cameroun » tels que les matériaux de construction, les produits pharmaceutiques et cosmétiques, les produits textiles et d’habillement et surtout les produits alimentaires. Et c’est l’excédent qui serait le motif d’écoulement sur les marchés de la sous-région et du continent. Voilà de quelle manière le pays peut promouvoir l’intégration régionale, parce qu’il a des produits à offrir, à écouler sur les marchés de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). La conséquence fatale étant le redressement de la balance commerciale et le rétablissement des équilibres extérieurs, avec un apport substantiel de devises. Les infrastructures (routières, portuaires, aéroportuaires, électriques et télécommunications) n’étant pas des fins en soit, mais des moyens, des supports de la transformation structurelle.
En juin 2021, le signal de départ pour cette option ne semble pas encore être donné. Or, le PDI a besoin d’un modèle de gouvernance ambitieux dans son ancrage institutionnel, sa structure organisationnel qui identifiera les compétences nécessaires et requises, et surtout un dispositif de suivi évaluation autonome doté de réels pouvoirs de sanctions.
Pour ce faire, l’autorité politique devrait accepter pour une fois de céder son pouvoir (ego) à une autorité technocratique et scientifique. L’équation d’une combinaison optimale des ressources humaines compétentes est essentielle à résoudre. Nous pensons pour cela, à une lettre de mission individuelle pour chaque intervenant qui devrait être de mise obligatoire. C’est un engagement précisant les résultats à délivrer à échéance, assortis des sanctions après évaluation rigoureuse, objective et partagée.
Le choix fait dans la SND30 d’opter pour l’import-substitution devrait s’accompagner sur le plan légal et réglementaire, des mesures visibles incitation à la préférence nationale. Des compétences adéquates sont nécessaires à cet effet pour poser des actes qui concrétisent cette volonté affichée.
A. Les Politiques d’inclusion et d’équité sociale
Les dégâts causés par les premiers programmes d’ajustement structurel (1986-2000) sur le plan social ont imposé un nouveau paradigme à savoir la Dimension Sociale de l’Ajustement (DSA), qui oblige dans l’année 2000, à intégrer la notion de réduction de la pauvreté en mettant l’accent sur les secteurs dits sociaux : Éducation, Santé, Justice. Cette nouvelle approche se traduit dans les déclinaisons des sigles FRPC, DSRP/CSLP, puis la dimension emploi (DSCE). Ce bref rappel voudrait relever que la volonté politique a toujours été affichée, depuis les deux dernières décennies pour la réduction des inégalités entre les couches sociales au Cameroun. Cependant, dans la pratique, les résultats semblent s’écarter et s’aggraver[6] au fil des temps, malgré parfois les efforts importants
visiblement consentis. Peut-être qu’il faille interroger les approches et les méthodes de mise en œuvre des politiques pro-pauvres.
Dans le contexte courant de la SND30 loin d’être une panacée, l’effectivité de la décentralisation désormais actée, pourrait représenter un réel espoir. Le transfert des compétences de la plupart des actions relevant de ce domaine aux CTDs, devrait créer un avantage de proximité des bénéficiaires d’avec les centres de décision.
Le plaidoyer est donc de voir ces CTDs renforcer leurs capacités et compétences essentielles sur la chaîne PPBS, de la gestion et du leadership, pour créer et offrir des solutions endogènes et de proximité au bénéfice des populations. Car, il parait plus rapide et moins coûteux de concevoir, développer, et mettre en œuvre des solutions endogènes avec la participation des populations bénéficiaires pour les besoins identifiés.
Pour cela, une adaptation de la contextualisation des ODD nous semble un excellent vecteur au niveau local. Le langage des cibles et indicateur des ODD (qui se traduisent en terme d’impact) est plus acceptable et digeste au niveau des CTDs. L’alignement de la SND30 sur l’Agenda 2030 assurant la cohérence ascendante non conflictuelle. L’élaboration d’une monographie socio-économique pour chaque CTD est un préalable.
Dans ce sens, il est plus que nécessaire dans la mise en œuvre des objectifs de la SND30 de développer des compétences et non plus les savoirs pour répondre aux problématiques essentielles qu’ impose l’environnement immédiat des populations.
B. La Gouvernance, la Paix et la sécurité
L’ODD16 de l’Agenda 2030 a condensé l’essentiel du contenu de ce triptyque selon les Nations Unies. Il vise à Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous.
En effet, cet ODD repose sur l’acception que les conflits, l’insécurité, la faiblesse des institutions et l’accès limité à la justice demeurent des menaces pour le développement durable.
Au Cameroun, depuis bientôt 05 années, la crise du NOSO, les menaces de Boko Haram dans les régions septentrionales et les conflits en RCA et RDC créent et constituent des entraves à la paix et à la sécurité intérieures. Avec des conséquences énormes sur le budget de l’État et des financements pouvant être alloués aux projets de développement. De nombreuses personnes déplacées internes (PDI) et un afflux des réfugiés venant des pays voisins fuyant la guerre, les persécutions et les conflits est estimées à près d’un million de PDI et environ 500 mille réfugiés nigérians et centrafricains , selon le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en 2020.
Sur un autre plan, la pandémie du COVID-19 menace d’amplifier les fragilités à travers le monde, et de manière singulière au Cameroun. Car au-delà de la dimension sanitaire, des questions de gestion des ressources se sont invitées à table avec ce qui est désigné aujourd’hui comme le Covidgate. En effet, un rapport de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême en circulation fait état de malversations et dysfonctionnements aggravés dans la gestion des fonds alloués à la lutte contre la Covid-19 au Cameroun.
Au demeurant, toutes les évaluations (internes ou externes) par les agences de notations souveraines ou des structures habilitées, le secteur Gouvernance est toujours apparu comme le maillon le plus faible du système de gestion des affaires publiques au Cameroun. Beaucoup a été dit et diverses actions proposées, initiées et certaines mises en œuvres, mais en vain…
Nous n’avons pas l’intention de ressasser plus sur les constats. Notre engagement pour les solutions pérennes nous inspire de tester une approche différente – celle qui a fini par s’imposer comme un objectif de Développement Durable (ODD16), retenu en tant que condition de réalisation des autres objectifs liés à la Prospérité(1) des Peuples(2) préservant la Planète (3) dans la Paix(4) par des Partenaires (5) : les cinq « P » de l’Agenda 2030.
Notre analyse démontre que les conditions de succès de la SND30 peuvent être réunies si de manière engagée, les autorités du pays et des populations Camerounaises s’investissent avec foi et ardeur à assurer la réalisation des 10 cibles de l’ODD16. L’axe Gouvernance de la SND30 peut se décliner ainsi de manière contextualisée autour de ces cibles plus tangibles (Annexe 1). Les capacités et les compétences nationales nécessaires devraient par conséquent être mobilisées pour cela. Elles existent. Elles sont même identifiées. Il convient de les organiser et les convier à la tâche. L’humilité des dirigeants et la reconnaissance du mérite en lieu et place de la cooptation via les réseaux opaques sont nécessaires pour cela.
Enfin, sur le plan institutionnel et politique, il est fort opportun de procéder à une adaptation / ajustement de l’architecture gouvernementale et des cadres organiques des ministères sectoriels au contexte ambiant de la décentralisation. C’est un impératif pour éliminer les chevauchements et doublon de compétences, sources de déperdition de ressources.
En effet, la mise en route des exécutifs régionaux et municipaux devrait fatalement induire un ajustement des missions, du fait des transferts de certaines fonctions et compétences du niveau central vers le niveau périphérique. À titre d’illustration, il semble indispensable de créer des passerelles afin de clarifier les rôles entre les délégations régionales, départementales ou d’arrondissement dans le sens de la déconcentration des ministères d’une part, et les services régionaux et communaux des CTDs d’autre part en charge de la gestion desdites compétences. Ainsi et par ces faits, les organigrammes ministériels devraient être ajustés et l’architecture gouvernementale en conséquence. La réussite de la SND30 en dépend.
Dans ce cadre, on peut convoquer les compétences en leadership et management du processus décisionnel. Savoir faire montre de réactivité pour prendre les bonnes décisions à temps, est une compétence à développer.
C. Les Infrastructures et l’Intégration Régionale
La mise à disposition des infrastructures de bonne qualité est indispensable pour la réalisation de l’objectif de transformation structurelle, qui est un des critères majeurs pour être un pays classé ou considéré comme un émergent. Ces infrastructures constituent également un vecteur essentiel pour l’intégration sous régionale et régionale.
Le Cameroun l’a compris et a posé les bases depuis le DSCE (2010-2019). Les résultats à l’échéance sont connus. Beaucoup de chantiers engagés sont inachevés (à date) et ceux qui sont arrivés à terme, sont plus ou moins opérationnels.
Au cœur de tous ces dysfonctionnements se trouve, la question de la maturation des projets et le choix des managers desdits projets dont le mandat n’est pas indexé ou lié au résultat (en terme d’efficacité et efficience), mais à l’entregent et aux manœuvres politiques. Cette question devrait être adressée avec courage et audace au cours de la décade de la SND30.
Comme principales recommandations relatives aux compétences dans le domaine, il conviendrait de renforcer la rationalité dans le choix des projets et des dirigeants, ainsi que le suivi-évaluation rigoureux et systématique pour achever les projets de la première phase et les rendre opérationnels; assurer une intégration la gestion patrimoniale des infrastructures (GPI) dans le design des projets dès la conception.
Mais de manière urgente et prioritaires, que les autorités publiques se hâtent pour lancer enfin le Plan Directeur d’Industrialisation (PDI), avec des mécanismes innovants et modernes selon les standards internationaux en matière, dans sa mise en œuvre et un dispositif de suivi évaluation fondé sur l’assurance qualité. Ce qui pourrait par exemple obliger à garantir la cohérence des interventions gouvernementales dans la gestion des projets d’infrastructures (trop d’intervenants et peu d’efficacité).
Enfin, en ce qui concerne les projets intégrateurs à dimension transfrontalière, il est urgent de mettre sur pied une législation adaptée sur les Partenariat Public Privé (PPP) pour explorer cette option de financement. Ce qui n’est pas le cas actuellement.
II. LA LETTRE DE MISSION OU LE MANDAT
Dans la pratique courante au sein des institutions (Administrations Publiques et Privées, nationales/ internationales ou Organisations de la société civile), la lettre de mission est un document qui précise le mandat donné à un personnel à qui une tâche est confiée. Elle précise : (i) l’objet de la mission ;(ii) la durée et le lieu de la mission ; (iii) les résultats attendus auxquels sont assortis les ressources nécessaires et convenables pour ramener lesdits résultats convenus avec sa hiérarchie ;(iv) dans certains cas, on peut y mentionner les risques, les alternatives voire les conséquences (en terme de sanctions divers ou négatives peuvent être précisées).
Qu’en est-il de la SND 2030 ? Comment traduire la lettre de mission ?
Si on convient et on admet que la SND30 est un projet qui a un objectif à atteindre à une échéance déterminée, ce qui est déjà le cas, notre emphase vise à cibler et à déterminer qui fait quoi ? À qui le mandat est confié et qui doit rendre compte à qui ? Cela l’est moins dans le document rendu public.
(i) L’objet de la mission (Qui répond à question du QUOI)
Le document a été élaboré, finalisé et adopté et rendu public par le gouvernement. Il existe. Par loyalisme et par loyauté, tous les acteurs et parties prenantes doivent s’aligner. C’est désormais la référence officielle en matière de politiques publiques en ce qui concerne le développement économique et social du Cameroun pour les 10 prochaines années (sauf indications contraires) des voix autorisées.
Il y est clairement dit que (…) le Gouvernement va s’appuyer sur quatre (04) principaux piliers à savoir : la transformation structurelle de l’économie nationale ;le développement du Capital Humain et du bien-être ; la promotion de l’emploi et de l’insertion économique ; La gouvernance, la décentralisation et la gestion stratégique de l’Etat. Les résultats escomptés ont été esquissés. Soit !
(ii) Le mandataire ? Pour répondre à la question de qui est comptable des résultats ? Qui doit faire quoi pour que ce qui est arrivé au DSRP et au DSCE n’arrive pas à la SND30. A qui doit être adressée la lettre de mission ?
- a) Naturellement et logiquement, on répondrait que c’est le Gouvernement. Et c’est le début du problème du mandat.
Le Gouvernement a certes un Chef, le Premier Ministre Chef du Gouvernement, mais il reste une personne morale, une construction politique, pas forcément opérationnelle pour des missions à résultats mesurables. Et selon la constitution et le modèle de régime politique en vigueur au Cameroun, le PMCG n’est pas responsable devant le peuple (représenté par le Parlement) et ne peut par conséquent, engager sa responsabilité. Le Premier Ministre Chef du Gouvernement reste donc un «Animateur» et un superviseur des acteurs de l’équipe des opérationnels, que sont les ministères sectoriels et les autres institutions publiques. Et c’est le second niveau des problèmes du mandat.
En effet, assurer la coordination optimale de cette équipe des opérationnels dont l’effectif actuel tutoie la centaine (ministères, entreprises publiques et établissements publics) n’est pas une sinécure, encore moins une partie de golf ou de pétanque.
Les objectifs de la SND30 pour être réalisés requièrent des capacités et des compétences essentielles diverses et multiformes. Des rôles et des actions à mener pouvant parfois se mettre en conflit l’un l’autre ou créer des incohérences du système. Il est donc nécessaire, voire préalable d’en faire une analyse de cohérence et d’optimisation selon une logique bien connue en programmation informatique[7]. Une approche holistique (Top -Down) qui recherche la performance de l’équipe et non l’exploit individuel ou élémentaire de chacun des acteurs est donc à privilégier.
Dans ce cas de la SND 2030, le mandat correspondrait donc à une procédure élémentaire optimisée contribuant sans conflit à l’atteinte du résultat global attendu, tel que décrit dans le document.
- b) Une autre réponse plausible et politiquement connecté ou correct serait de dire : Le Peuple ou NOUS TOUS. En répondant ainsi, le corollaire sera alors de savoir si le peuple en est conscient. Le peuple connaît-il la SND30 ? De quoi parle-t-on ? Le peuple a-t-il une perception partagée des résultats attendus ? Sinon que faut-il faire ? On aboutit à la solution élémentaire de la lettre de mission individuelle. Ce que chaque citoyen doit faire pour réussir la SND en 2030 et l’émergence en 2035.
Des compétences en communication sont requises. Ici, on devrait même pouvoir parler de vulgarisation, i.e. une communication ouverte, permanente, à la limite agressive via divers canaux et supports, en toutes les langues de communication (véhiculaires) du pays. Ce qui ne semble pas encore le cas.
(iii) La compréhension commune de la mission à réaliser et le consensus sur les résultats attendus.
Depuis le DSRP et le DSCE, les mécanismes de suivi évaluation ont été formalisés et semblent avoir déjà pris corps. Il est souhaitable de les réactiver et d’y accorder la plus grande attention et surtout de faire bon un usage des résultats produits. En clair, si le pays veut réussir la mise en œuvre de la SND30, nous devons apprendre à appliquer le principe élémentaire de management qui stipule que « à échéance due, un résultat non atteint est un échec ». Et par conséquent, que l’on tire les leçons pour rectifier le tir afin de se remettre sur les rails, rattraper la trajectoire perdue. On ne justifie pas les échecs. On les corrige !
Sur la base des faits et des chiffres, que le dispositif institutionnel puisse enclencher le processus décisionnel d’action corrective sans délai. Le temps sera extrêmement compté pour cette décennie, et notamment dès les premières années qui doivent donner l’impulsion et donner le signal de rupture, que les choses ne sont pas comme avant (no more as usual !). Et ce d’autant plus que la SND30 démarre avec un handicap d’être supplanté par la FEC-II / MEDC. [8]
Évidemment, les OSC devront continuer à veiller et à sonner l’alerte en cas de besoin, non pas comme des adversaires des gouvernants, mais bien comme des partenaires pour un mieux-être collectif.
Dans ces conditions, l’impulsion nécessaire pour créer la rupture est-elle encore possible ?
La culture de l’évaluation continue et permanente, couplée au principe de la sanction devront être les vecteurs sans complaisance pour la recherche de la performance. Récompenser le mérite, encourager les efforts et saluer les succès. Non pas que l’échec soit interdit, mais que l’on ne s’en prévale pas. Un échec doit permettre de repartir pour un succès et ne pas s’enliser.
Pour le suivi statistique par exemple, le cadre institutionnel en vigueur au Cameroun donne mandat à au Système Statistique National (SSN) sous la coordination de l’Institut national de la statistique (INS) d’assumer ce rôle[9]. Et cela semble être établi depuis la période du DSRP jusqu’à date avec une certaine satisfaction, même s’il y a toujours des choses à améliorer. Et parmi les améliorations d’urgence, il y a la réalisation des grandes opérations de base que sont le RGPH-4 et le RGAE. Nous pouvons également y inclure la signature et la publication des textes relatifs au code géographique de unités administratives et des CTDs, afin d’affiner la cartographie numérique des territoires pour un Système d’information géographique (SIG) optimal, un outil d’accompagnement essentiel pour la décentralisation.
Les travaux en cours par le MINEPAT, le MINEFI et l’INS pour disposer des indicateurs de performances de programmes rentrent dans cette logique. Il reste à les sortir de la phase de conception pour la réalisation à travers le financement sécurisé de la Stratégie Nationale de Développement de la Statistique.2030 alignée à la SND30.
En conclusion, après 30 années d’ajustement économique, jusqu’où devrait-on continuer ?
En rappel historique, le Cameroun rentre en crise en 1986, et engage le cycle sans fin des programmes d’ajustement structurel, mettant sous le boisseau le cinquième plan quinquennal (prévu sur la période 1986-1990). Après avoir atteint le point de décision en 2000 et le point d’achèvement de l’IPPTE en 2006, le pays met en route le DSRP jusqu’en 2009. Le DSCE (2010- 2019) est censé poser les bases d’un développement à long terme vers l’émergence en tant que première phase de la Vision 2035. Ce plan décennal est malheureusement plombé par d’autres priorités sur son cours : le PLANUT, le Programme Spécial Jeunes, le Programme spécial CHAN/CAN et dès la fin 2016 par la FEC (2018-2020). Et voici la SND30 qui est conçu et naît sous cette coiffe. Ses premiers pas sont désormais limités dans leurs ambitions, pour ne pas dire étouffées, voire interdits (théoriquement jusqu’en 2024).
N’est-il pas temps de changer de modèle ? Même par simple orgueil ? Eeekiééé,
Sur un plan purement politique et stratégique, la volonté d’un État stratège annoncé dans la SND30 semble incompatible avec une assistance au pilotage d’une économie nationale par le FMI. On peut s’endetter tant que l’État reste crédible, et on peut l’être sans programme d’ajustement structurel. Pour preuve, après 30 ans on n’est pas sorti de l’ornière.
Nos précédentes travaux ont prôné d’adopter une approche de RUPTURE d’avec le modèle actuel fondé sur une approche différente en 03 temps :
- La transformation structurelle du secteur productif (diversification horizontale et verticale soutenues par le patriotisme économique) : la SND30 l’a adopté en attendant la mise en œuvre et les résultats tangibles ;
- La transformation conceptuelle du secteur Éducation/Formation basée sur les Sciences-Technologies-Innovation/ Ingénierie-Mathématiques (STI/STEM) pour développer l’esprit de créativité et d’innovation chez l’enfant, avec pour finalité de transformer son environnement en apportant des solutions aux problèmes quotidiens des populations : cette question n’est pas encore véritablement adressée dans les faits au-delà des discours.
- La dimension de la gouvernance qu’il faut aborder avec courage et détermination
Pour tout cela, il importe de RÊVER que c’est possible, OSER les actions justes pour y arriver et INNOVER pour que demain soit meilleure./-
Par Barnabé OKOUDA