C’est une belle page qui s’est tournée dans l’histoire des BTP dans le monde avec le décès de Clément FAYAT(photo) le 3 juillet 2022 à l’âge de 90 ans. Grand et puissant entrepreneur autodidacte bien connu en Afrique, son groupe est devenu le premier groupe français indépendant de la construction et un leader mondial en matériel routier. Il a fini par confier la direction du groupe à ses deux fils, Jean-Claude et Laurent. Aujourd’hui, l’empire Fayat est présent sur les cinq continents dans 170 pays et les 21 666 collaborateurs du groupe ont réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’euros. Qui était réellement le fondateur du Groupe Fayat, cet apprenti maçon devenu bâtisseur d’un géant du BTP? Biographie.
Clément Fayat, fondateur du groupe éponyme, est mort le 3 juillet 2022, dans à l’âge de 90 ans. Corrézien de cœur, terrien dans l’âme, autodidacte assumé et inspiré, il fut toute sa vie durant un entrepreneur visionnaire. Travailleur infatigable, admiré tout autant que redouté, profondément respecté par ses collaborateurs et pairs pour sa juste rigueur, il a construit pierre après pierre l’empire que l’on connait aujourd’hui – 21 666 collaborateurs, 4,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisé en 2021, dans 170 pays de par le monde – avant d’en confier il y a quelques années la direction à ses deux fils, Jean-Claude et Laurent. Une vie entière dédiée à ses entreprises et leurs équipes, qu’il a continué de suivre avec passion après avoir transmis les rênes, depuis sa demeure située au cœur du Médoc.
Clément Fayat est un pur corrézien d’origine, né le 24 janvier 1932 dans une famille modeste – il aimera à rappeler qu’il a souvent eu à partager pommes et châtaignes avec les cochons élevés par ses parents. Il recevra de son père, Paul Fayat, maçon auprès duquel il acquiert ses premières compétences, une éducation rigoureuse mettant à l’honneur la valeur du travail et sa qualité d’exécution. Désireux de gagner au plus vite son autonomie, il quitte très tôt l’école, devenant dès l’âge de 15 ans apprenti sur le chantier du barrage hydroélectrique de Chastang (Corrèze) construit sur la Dordogne. Il rejoint la ville de Libourne après avoir effectué ses dix-huit mois de service militaire : c’est dans cette bourgade tranquille située en périphérie de Bordeaux qu’il rencontre sa future épouse Germaine. C’est également depuis Libourne qu’il va entreprendre de bâtir le groupe qui porte son nom, après un passage par l’entreprise locale de travaux publics Vincent.
Un terrien profondément attaché à ses racines
Bien qu’à la tête d’un empire présent sur les cinq continents, Clément Fayat est resté très attaché à ses origines terriennes – « La terre reste collée à mes sabots », dira-t-il volontiers. La maison familiale libournaise accueille aujourd’hui l’Espace Germaine Fayat – en hommage à son épouse décédée en 2013 – un espace réceptif jouxtant le siège de la première entreprise qu’il a fondée en 1957 : Fayat Entreprise TP.
C’est également par amour de la terre qu’il acquiert dès 1969 un vignoble de prestige, le Château La Dominique (Saint-Emilion Grand Cru Classé) : un choix audacieux qui ne manquera pas de surprendre en ces terres viticoles de renom, mais dont il n’aura de cesse de se féliciter. Aujourd’hui également propriétaire de Château Clément-Pichon (Haut-Médoc Cru Bourgeois Supérieur) et Château Fayat (Pomerol), il a structuré l’activité viti-vinicole du Groupe au sein des Vignobles Clément Fayat, régulièrement salués par la critique spécialisée internationale, et dont l’activité oenotouristique ne cesse de s’étoffer. Bien que très présent auprès de ses équipes, il ne quittera jamais bien longtemps sa demeure située au cœur du Médoc.
La complémentarité de la Construction et de l’Industrie
C’est tout naturellement par l’activité de travaux publics que démarre l’aventure du groupe Fayat en 1957, lorsque Clément Fayat acquiert sa première tractopelle et crée, avec l’entreprise Vincent qui l’emploie alors, la Société Nouvelle de Terrassement (SNT). Il n’a que 25 ans, mais déjà une solide expérience professionnelle de dix années. Il n’aura dès lors de cesse de renforcer et élargir le spectre de ses activités, dans un premier temps à échelle française, puis internationale. Fayat compte aujourd’hui sept grands métiers : travaux publics, fondations, bâtiment, métal, énergie services, chaudronnerie et matériel routier. Une double activité d’industrie et de construction – incluant la promotion immobilière et des opérations réalisées en partenariat public-privé – sur la base de laquelle il a bâti l’équilibre et la pérennité de son empire. Le premier rachat opéré par Clément Fayat sera celui de son employeur Vincent (travaux publics), premier jalon fondateur de l’activité de construction du Groupe. L’ouverture à l’industrie se fera par le biais de l’acquisition de la filiale Le Réservoir (chaudronnerie) en 1969. Une nouvelle étape de diversification est franchie en 1977, avec le rachat de Castel & Fromaget (métal), dont il fera dès 1985 le fabriquant de charpente métallique le plus moderne de France. L’activité matériel routier, aujourd’hui principale source de réalisation du chiffre d’affaires de Fayat à l’export, apparait en 1987, avec le rachat de l’entreprise française Ermont, et 1988, avec celui de l’entreprise italienne Marini, toutes deux conceptrices et productrices d’usines d’enrobés. « La famille s’agrandit. Et je sens l’esprit Fayat grandir avec elle ». Visionnaire, rigoureux, exigeant, nourrissant la fidélité de ses équipes dont il attend un engagement total, Clément Fayat poursuit toujours le même objectif : être le meilleur. Le premier. Pour cela, il n’a jamais hésité à laisser si nécessaire les commandes à ceux dont il savait reconnaître les compétences qui lui faisaient à lui-même défaut : une fois donnée, sa confiance est, si ce n’est inébranlable, du moins fondamentalement ancrée. Un nouveau cap est indéniablement franchi en 1994, avec le rachat du groupe francilien Genest : l’opération signe le doublement de la taille du Groupe, tout en l’enrichissant d’une activité, l’électricité industrielle. L’activité de fondations spéciales fait cette même année son entrée dans le Groupe (Sefi et Franki).
La dimension internationale
Avec les rachats de Bec Frères en 2002, Bomag en 2004 et Razel en 2008, il projette à nouveau le Groupe dans une dimension inédite : apport d’expertises en terrassement et génie civil ainsi qu’en bâtiment pour le premier, ajout de filiales sur les cinq continents pour la marque allemande leader mondial en conception et production de machines routières, et ouverture sur le continent africain grâce au troisième. Cari (bâtiment) en 2010, Terex (acquisition de lignes de production aux États-Unis et d’activités de matériel routier au Brésil) en 2013, Dynapac (renforcement de la position stratégique sur le marché mondial du matériel routier) en 2017, Fouchard (génie climatique) et Bardon (bâtiment) en 2019, et enfin Dulevo (solutions de balayage) et NXO (solutions d’intégration et gestion de flux digitaux d’entreprises) en 2021 sont les dernières opérations d’envergure nationale à internationale qui ont jalonné un processus continu de croissance externe, mené parallèlement à la croissance interne de Fayat. Ainsi, après s’être imposé, à moins de quarante ans, jusqu’aux frontières de la Chine, le modeste corrézien ayant entamé son projet entrepreneurial muni d’une simple tractopelle, franchit l’an 2000 avec un groupe structuré mondialement, et devient à l’aube du XXIème siècle le premier groupe indépendant français de la construction et leader mondial du matériel routier, aujourd’hui présent dans 170 pays grâce aux 231 filiales qui le composent. De quoi forcer l’admiration de tous, comme en témoignent les nombreux hommages que lui rendent aujourd’hui collaborateurs, entrepreneurs et personnalités publiques. Clément Fayat, modeste, n’a-t-il pas quant à lui un jour déclaré : « Si tu fais ce qui te plaît, tu ne travailleras jamais », signe de la passion qui l’a habité toute sa vie et invité à voir toujours plus haut.
Autonomie, engagement, audace : valeurs pilier du Groupe
Promu au grade de Commandeur de l’Ordre de la Légion d’Honneur en 2012, année de ses 80 ans, des mains d’Alain Juppé, alors maire de Bordeaux, Clément Fayat a adossé son admirable ascension à une culture immuable : le respect des trois valeurs que sont l’audace bien sûr, l’engagement plus encore, et aussi l’autonomie, celle qu’il a toujours su donner à ses entreprises, avec lesquelles il travaillait en confiance. C’est ainsi qu’il a su faire grandir et consolider pas à pas sa riche famille professionnelle, et gagner et assoir chaque jour davantage sa légitimité sur la scène internationale : la plus belle illustration de son succès se mesure par le nombre en croissance constante de grands projets auxquels le nom de Fayat est associé à travers le monde.
Un héritage foisonnant de par le monde
Le fameux losange jaune croisant deux F majuscules est en effet aujourd’hui devenu incontournable dans le paysage international. Après avoir travaillé avec les plus grands architectes, Clément Fayat laisse en héritage à ses fils, ses collaborateurs, et aux citoyens du monde entier, un impressionnant palmarès de réalisations prestigieuses, dont nombre d’entre elles ont reçu des prix de renom international.
Actuellement acteur incontournable sur le gigantesque projet du Grand Paris, Fayat est également à l’origine de la réalisation de la Canopée des Halles et du musée du Quai Branly, ainsi que du Terminal 2E de l’aéroport international Charles de Gaulle. Dans son fief historique aquitain et plus encore à Bordeaux, de nombreux programmes immobiliers et projets d’aménagement portent sa signature, tout comme l’emblématique Stade Matmut Atlantique. Les réalisations en France, dans les secteurs public et privé, ne se comptent plus : Manufacture de la Mode à Paris, Campus des Métiers à Nice, Centre Aquatique de Valenciennes, Arena de Narbonne, éclairage public du Boulevard Périphérique Nord de Lyon, gestion intelligente des carrefours à Biarritz, pilotage du Pôle d’Échange Multimodal de Rennes pour n’en citer que quelques-unes. Sur la scène internationale, rappelons les multiples chantiers africains d’assainissement et d’aéroports finalisés et en cours, le célèbre barrage de Tabellout en Algérie, le Viaduc des Trois Bassins à La Réunion ou encore le tunnel du Fréjus entre France et Italie, le Mémorial ACTe en Guadeloupe. L’activité industrielle, fer de lance de l’internationalisation du Groupe, est particulièrement portée par l’expertise de ses marques en conception, production et commercialisation de matériels routiers : les usines d’enrobés, alimentateurs, finisseurs, rouleaux pour asphalte, équipements de maintenance routière, fraiseuses, recycleurs et stabilisateurs, compacteurs de sol, solutions de balayage signés Fayat évoluent sur nombre de chantiers de construction, maintenance et réhabilitation routière sur les cinq continents. À titre d’exemple, un impressionnant ballet parfaitement orchestré de quelque 136 compacteurs conçus au sein du Groupe a participé à la construction de l’aéroport international d’Istanbul. Le Groupe compte 24 sites de production de matériels routiers répartis à travers le monde, en Europe, Asie et Amériques – États-Unis, Brésil, Chine, Inde, Turquie, Allemagne, Suède, Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, France –, dotés de départements Recherche et Développement à la pointe des technologies et des enjeux digitaux et écoresponsables de demain.
Une Fondation pour parachever son œuvre
En 2020, Clément Fayat s’associait à ses deux fils, Jean-Claude et Laurent, pour annoncer la création d’une fondation à son nom. Fidèle aux valeurs portées par le Groupe et ses dirigeants depuis plus de soixante ans, la Fondation Clément Fayat, fondation actionnaire reconnue d’utilité publique, entend contribuer à pérenniser le Groupe et à préserver son indépendance, tout en participant du sens donné aux actions quotidiennes de ses collaborateurs. Les trois missions qu’elle s’est données s’inscrivent parfaitement dans la lignée de l’histoire du Groupe et de ses valeurs : lutter contre les maladies neurodégénératives et participer à la recherche médicale ; former des personnes – notamment les plus démunies – souhaitant intégrer le secteur du bâtiment et des travaux publics et aider des personnes désireuses de se reconvertir dans un autre secteur ; et enfin réhabiliter et rénover des monuments historiques. Une ultime manière, toute en élégance, de passer le flambeau et inspirer les générations à venir.
« Un nouvel horizon s’ouvre devant nous, je le sens. Et j’ai confiance, car deux hommes portent dans leurs gènes ces valeurs et cette volonté de réussir. C’est l’heure des grands projets. De l’histoire qui continue. Et des développements innovants », déclarait Clément Fayat peu avant de se retirer des affaires.
Voilà qui résumait le très bel aboutissement de ce que fut l’essentiel de sa vie, tout autant que sa fierté, toujours modeste, d’homme… et de père livrant en cette occasion un émouvant hommage à ses deux fils prêts à prendre le relai, dans la continuité de ce qu’il avait bâti plus de soixante années durant.
Source Fayat.com