Entretien vérité avec l’universitaire camerounais le Dr. Simon Pierre Mfomo sur la crise dite anglophone, Kamto et le M.R.C., Boko Haram et le « dialogue inclusif ».
Des acteurs politiques et ceux de la société civile idéologiquement proches d’eux, expliquent la persistance de la crise dite « anglophone », par la politique de « fermeture » que pratiquerait le Chef de l’Etat. Comment réagissez-vous à cette critique ?
Pour nombre d’entre eux, ces gens n’ont jamais géré le pouvoir d’Etat. Aussi, s’enferment-ils dans une posture oppositionnelle qui est, essentiellement, de l’ordre du réflexe conditionnel, lequel réflexe les pousse à peindre en noir, tout ce que les autorités publiques accomplissent. Ou bien, avec une passion aveuglante, les détermine à juger que les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes, ou ne résoudront aucun problème. C’est classique.
En fait, ces gens là, veulent tout simplement, gagner en envergure, faire entendre leur différence avec le pouvoir, en se confinant à des positions maximalistes et irréalistes, très souvent au travers des échappées solitaires. Si ces gens là, veulent ainsi monter en notoriété dans le débat public, c’est sans doute pour qu’une certaine accalmie se fasse, en échange de marocains à leur profit. C’est pour cela, comme pris d’hystérie, qu’on les entend demander la démission du Chef de l’Etat (Ayah Paul Abine président du People’s Action Party (PAP)) ; ou demander la formation d’un gouvernement de transition (le SDF…)
Nous sommes là en plein, dans un mercantilisme politique qui fait fi de l’intérêt général, et réduit la finalité du dialogue demandé à la redistribution des cartes politiques vue sous l’angle de la politique abdominale.
En effet, pendant que leurs « leaders » se livrent à ces manœuvres, leurs militants, des pyromanes en pilotage automatique, pensent au travers du mensonge et de l’intox dans les réseaux sociaux ; de leur politique fiction exprimée dans des déclarations loufoques du genre : « j’ai tiré et marqué le pénalty », « je m’autoproclame président élu » ; de la démocratie des marches illégales inflammables, construire l’Etat de droit démocratique au Cameroun.
Mais paradoxalement, dans le même temps, ils lancent des bombes tribalistes contre notre vivre ensemble, atteints qu’ils le sont par une grippe ethno-fasciste, qui les pousse à vouloir faire table rase de notre histoire et, à tenter de liquider toutes les structures d’autorité existantes, sous le fallacieux prétexte d’une morbide révolution tribaliste qui à la clé, consacrerait notre désunion nationale.
Pour dire la vérité, lorsque des acteurs politiques réduisent l’existence d’un problème politique à un individu, il faut penser au bouc-émissaire. Et se dire qu’une explication aussi réductrice n’est qu’une imposture. Désigner un bouc-émissaire est en effet, une échappatoire commode qui atteste de l’incompétence de ces gens, pour expliquer un problème.
Au-delà donc de leurs galéjades, ceux qui connaissent, même un peu, le président Paul Biya qui sait s’extraire sagement de la dictature du court terme, sont plutôt admiratifs de son art du dialogue et du rassemblement. Notamment, autour d’un projet de société dynamique, décliné dans son maître-livre, « pour le libéralisme communautaire », qui convainc et entraîne les camerounais, chaque jour, toujours d’avantage.
Ainsi, même les silences éternels du Chef de l’Etat, face à des outrages et attaques Ad Hominem diverses, lesquels silences visent à ne pas attiser les tensions, constituent un « agir symbolique » qui tient ensemble toutes les tribus du Cameroun, sans exclusive.
Au demeurant, pour la crise dite anglophone, dès ses premières manifestations, le grand leader national a prescrit le dialogue. Lisons plutôt ces quelques extraits de son discours à l’occasion de la fin d’année 2016 et du nouvel l’an 2017.
« Seul le dialogue permet de trouver et d’apporter des solutions durables aux problèmes… » «… J’ai instruit le premier ministre d’engager un dialogue franc avec les différentes parties concernées, pour trouver des réponses appropriées aux questions posées. Je les invite à participer, sans préjudice, aux différentes discussions »…
« L’unité du Cameroun est donc un héritage précieux avec lequel nul n’a le droit de prendre des libertés. Et quelle que soit la pertinence d’une revendication, celle-ci perd toute légitimité, sitôt qu’elle compromet, tant soit peu, la construction de l’unité nationale »… « Nous devons rester ouverts aux idées mélioratives, à l’exclusion toutefois, de celles qui viendraient à toucher à la forme de notre Etat »…
« Nous sommes disposés, à la suite et dans l’esprit des artisans de la réunification, à créer une structure nationale dont la mission sera de nous proposer des solutions pour maintenir la paix, consolider l’unité de notre pays et renforcer notre volonté et notre pratique quotidienne du vivre ensemble ».
« Et cela, dans le strict respect de notre constitution et de nos institutions… »
On le voit bien, le dialogue est le cheval de bataille du Chef de l’Etat, dans la recherche des réponses à nos problèmes. Il l’a ainsi institutionnalisé par la création du COMITE POUR LA PROMOTION DU BILINGUISME ET DU MULTICULTURALISME, en tant qu’institution d’éveil permanent, d’intermédiation et de propositions de solutions, après concertation, pour « maintenir la paix, consolider l’unité de notre pays et renforcer notre volonté et notre pratique quotidienne du vivre ensemble ».
A notre humble avis, et dans cette même logique institutionnelle, et du renforcement de l’Etat de droit démocratique, c’est l’institution d’intermédiation sus-évoquée, rendue immédiatement opérationnelle, après le discours présidentiel dont on vient de rendre des extraits, lequel annonçait sa création, c’est, disais-je, cette institution composite épousant notre identité bilingue et multiculturelle, laquelle est fort opportunément présidée par un ancien premier ministre originaire du Sud-ouest anglophone, qui, élargie encore à des personnalités à l’autorité intellectuelle et morale établie, peut continuer le dialogue annoncé par le Chef du Gouvernement.
Un prétendu colloque Ad Hoc rassemblant des acteurs pyromanes-sapeurs pompiers sélectionnés sur la base de critères douteux, puisque potentiellement implosif, risquerait en effet, d’être transformé en foire d’empoignes, par nombre de ces hommes, pour la plupart déjà politiquement abimés, mais qui seraient avant tout, soucieux de profiter de cette occasion inespérée, pour opérer leur come back politique. Si l’on considère les prises de position à but essentiellement alimentaire de certains opposants. Lesquelles, relayées par les médias, sont à l’évidence antipodales du dialogue de construction d’une paix durable au Cameroun, et de renforcement de l’unité nationale. Le Cameroun en sortirait nécessairement désuni, avec des risques de glissement vers l’anomie.
J’en veux pour preuve, le lynchage médiatique qu’ont fait subir au ministre Atanga Nji, dont le seul crime était de rappeler le discours du Chef de l’Etat, qui définit la politique nationale, par ceux là qui réclament un « dialogue », dont le point nodal caché, n’est que le départ de celui-ci. Normal. Le ministre Atanga Nji n’est pas leur disciple.
Jésus Christ n’avait-il pas, lui-même, dit à ses apôtres ce qui suit :
« Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui, mais parce que vous n’êtes pas du monde, et je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela, le monde vous hait… « Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre… » (Jean 15).
Le « dialogue inclusif » constitue-t-il une panacée pour le retour à la paix sociale au Cameroun ?
J’espère que vous ne parlez pas du dialogue « conférence nationale souveraine », cette manœuvre anticonstitutionnelle et antidémocratique que des gens qui avaient peur du suffrage universel, voulaient expérimenter hier, mais sans succès, pour tenter d’opérer un coup d’Etat à un président élu. Son échec, a montré une fois pour toute, que le Cameroun qui s’est inscrit dans la logique de la modernité, ne peut pas se ravaler au primitivisme politique.
Ceci étant, je viens de le dire, le dialogue est le cheval de bataille du Chef de l’Etat, pour trouver les réponses les plus appropriées, aux principaux problèmes de notre pays : la lutte contre Boko Haram dans l’Extrême Nord et la collusion Maurice Kamto-crise dite anglophone. Collusion qu’il faut du reste appréhender comme étant essentiellement opportuniste. Mais il me semble fastidieux de parler des deux problèmes dans le cadre de cette intervention. Je me limiterai donc à n’aborder ici que le deuxième problème.
En effet, le M.R.C. et son leader Maurice Kamto, à force de falsifier les faits, à force de s’appuyer sur le ressort tribal, ont fini par faire l’unité du Cameroun et susciter un big-bang de la désinformation contre eux. La conséquence en est que, Maurice Kamto, qui se prétendait sauveur du Cameroun, sans pour autant présenter aux camerounais, un projet de société prométhéen et rassembleur, se retrouve aujourd’hui être une rustine ; réduit à faire, sans état d’âme, des gloses sur le système électoral camerounais. Et c’est bien certain que son parti qui n’entrevoit plus, pour le Cameroun, que le pire, comme solution à notre « mal », est à bout de souffle.
D’où la profonde crise d’autorité et d’identité politique qui le traverse. D’où aussi la recherche, en désespoir de cause, du soutien des puissances étrangères, lequel n’est rien d’autre qu’une démarche antinationale d’import de la soumission, entre autres, par l’imposition du néo-libéralisme qui, en Afrique, selon une analyse de l’anthropologue français Jean Pierre Dozon, « va à l’encontre des Etats , avec un risque de dérive vers des « gouvernances ethniques », où domineraient le libéralisme à tout crin, les O.N.G., l’humanitaire et les églises en tout genre ». Tout ça, pourvu que Kamto soit président !
D’où enfin, la vaine recherche locale d’un nouveau souffle, par la récupération de la crise dite anglophone, en donnant à celle-ci, un écho démesuré et une évaluation dramatisante. Dans le double but, d’une part, d’arriver à des compromis douteux avec les sécessionnistes ; d’autre part, d’obtenir le soutien des puissances étrangères, dont il sait les opinions publiques influençables et profondément vulnérables et, par voie de conséquence, l’action de leurs leaders politiques faciles à orienter.
Or, on le sait, de telles interpénétrations peuvent certes intervenir, pour une période plus ou moins longue. Mais elles perdurent tant que les intérêts des différentes parties le justifient.
Il me semble suivant ces considérations, que ce front, qui mise uniquement sur l’ingérence étrangère, ne pourrait tenir longtemps. D’abord la crise financière des récentes années ayant fracassé l’hyper puissance des U.S.A., ceux-ci, depuis Barack Obama, jusqu’à Trump, ont tendance à privilégier soit : le multilatéralisme, dont la Chine, la Russie… sont les gardiennes du thermomètre, soit le repli nationaliste. Il ne faudrait donc pas s’attendre, au-delà de la gesticulation verbeuse et des condamnations symboliques, à une intervention militaire américaine, dans un problème camerouno-camerounais, qui ne menace, ni la paix internationale, ni la paix des Etats-unis.
L’Europe qui continue désespérément de compter sur le parapluie américain pour sa propre défense, reste toujours militairement hésitante. Par ailleurs, le mouvement sécessionniste est lui-même laminé par des conflits internes.
Alors la crise dite anglophone aujourd’hui, qu’est-ce que c’est ?
Si l’on prend en compte les assassinats, les déplacements de personnes, les enlèvements avec demandes de rançons, les dégâts matériels que ladite crise engendre, du fait du penchant criminel aveugle des sécessionnistes, on pourrait voir en elle, le fait d’une « mafia tribale ». Mais on le sait, la « mafia tribale » a toujours pour activité principale, le contrôle du territoire. Or donc, la mafia tribale qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest, n’a jamais contrôlé les territoires qui couvrent lesdites régions ; lesquelles sont contrôlées entièrement par l’Etat.
En revanche, cette « mafia tribale » développe, à titre principal, et à grande échelle, des activités criminelles qui n’épargnent guère les populations locales : leur personne physique, leurs activités économiques, leurs biens…
Conséquence : en multipliant perpétuellement leurs actes criminels, contre les populations locales, les amba-boys, comme ils se font appeler, se sont éloignés de l’organisation clandestine à vocation politique, qui originellement, prétendait lutter contre la soi-disant marginalisation des anglophones. Ils ont aussi perdu substantiellement tout crédit auprès de ces populations qui, n’en pouvant plus d’enterrer leurs enfants, frères, parents abattus par les amba-boys, appellent de tous leurs vœux au retour à la paix.
En tout état de cause, les terroristes sécessionnistes dont les crimes persistants seraient la cause d’un dialogue exceptionnel pour le retour à la paix, se sont déjà forgés à travers ces crimes, une économie de guerre qui les fait vivre, et à laquelle ils restent scotchés.
Ils ne sont de ce fait, disposés à aucune forme de dialogue républicain. Par les villes mortes qu’ils imposent, ils tentent de créer une situation d’anomie, où la voie du droit laisserait la place à la voie du fait. Et comme en temps de guerres privées : la frontière entre le privé et le public disparaitrait.
Toutes ces considérations me donnent l’occasion de revenir sur le dialogue. Non pas en tant que solution magique pour résoudre des problèmes. Mais en tant que moyen pacifique pour rechercher et trouver des réponses appropriées aux problèmes. Il faut pour cela que le dialogue soit mené dans la sérénité, non dans la surchauffe, par des hommes uniquement déterminés par l’intérêt général, le patriotisme, entre autre. Pour tout dire, des hommes responsables, qui ne cherchent pas à briller, pour reprendre le Chef de l’Etat, par la « surenchère verbale », la « violence de rue » et le « défi à l’autorité », par ailleurs établie par le suffrage universel. Des hommes qui au contraire, n’accrochent par leur amour de la patrie à l’exercice de hautes fonctions dans l’appareil d’Etat.
L’expérience l’a montré : ces fameux dialogues demandés et obtenus par des entrepreneurs politiques atteints par la ministrose, n’accouchent toujours que de gouvernements, pompeusement appelés « d’union nationale de transition ». Gouvernements qui, pour paraphraser une chansonnette, ne valant jamais grand-chose, « fanent en un instant, comme fanent les roses », et cèdent aussitôt la place à des combats plus violents encore.
On l’a vu hier au Tchad voisin, avec le GUNT. On le voit aujourd’hui au Mali, en Lybie, en Centrafrique, au Soudan du Sud… où la paix est devenue un vrai serpent de mer. Malgré des détachements militaires venant d’Occident, de l’ONU… Malgré des médiations étrangères. Malgré des ONG humanitaires. Malgré des églises…
Les piètres résultats, en terme de paix durable, des dialogues organisés dans ces pays, et dans bien d’autres, montrent à quel point, l’appel au dialogue dissimule souvent des non-dits, des simagrées, utilisé comme il l’est, de plus en plus aujourd’hui, comme un slogan qui rassure, qui séduit.
Nous avons, à la lumière de ces constats, la faiblesse de penser que le choix opéré par le chef de l’Etat, de consolider la démocratie et nos institutions démocratiques ; plutôt que d’ouvrir la voie à l’anarchie, à la guerre civile, et les extrémismes politiques qui pourraient émerger, est le plus pertinent. Choix qui a pour points d’orgue :
- La prescription dans le cadre institutionnel, d’un dialogue incluant toutes les parties concernées ;
- La réponse adéquate à toutes les revendications catégorielles initiales ;
- Des reformes structurelles à l’Enam, à la Cour Suprême ;
- La création du comité pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme ;
- L’élargissement des sécessionnistes ;
- La création de structures de récupération des armes déposées par les sécessionnistes ;
- La programmation de leur resocialisation ;
- La mobilisation d’une épargne nationale comme aide nationale aux populations victimes de la violence sécessionniste ;
- L’envoi des convois d’aide humanitaire etc.
Ces mesures multiformes englobant aussi l’action patriotique de nos forces de défense et de sécurité, pour défendre l’intégrité de notre territoire, la sécurité des personnes et des biens, dans un contexte où, l’état d’urgence n’a guère été décrété, ni même aucune autre mesure justifiant la mise en vigueur d’une législation d’exception, sont destinées à rétablir à terme, une paix durable au Cameroun. Et l’on s’approche bien de l’épilogue, pour qu’on prenne le risque d’abandonner, pour la voie du désordre autorisé, cette voie de salut public qui, à moyen et long terme, nous apportera une paix durable.
Pour cela, nous devons tant soit peu, nous référer à l’histoire de la construction des grands pays qui dominent le monde aujourd’hui. Prenons d’abord le cas de celle des U.S.A., grands donneurs de leçons, droit-de-l’hommistes devant l’éternel ; dans le passé, placés devant une situation semblable à la nôtre.
En effet, la guerre de sécession (1861-1865) fut, d’après les historiens, le conflit le plus sanglant du monde occidental entre les guerres napoléoniennes et la première guerre mondiale. Les hostilités furent déclenchées, lorsque onze (11) Etats du Sud entamèrent un processus de sécession des Etats-Unis pour former les Etats confédérés d’Amérique, présidés par Jefferson Davis. Le gouvernement fédéral dirigé par Abraham Lincoln, déclara cette sécession illégale et engagea la guerre contre lesdits Etats. Après la perte de 620 000 soldats des deux côtés (les pertes civiles étaient encore plus importantes), la guerre se solda par la victoire des Etats-Unis (le Nord), contre les Etats sécessionnistes (le Sud). Pendant la période dite de « reconstruction », ces Etats du Sud furent tous politiquement réintégrés dans l’union et regagnèrent dès 1877, une gouvernance autonome.
Cette coutume américaine de la répression de la violence par les forces publiques, a permis à Abraham Lincoln d’unifier durablement ce grand pays, et de lui permettre d’atteindre un niveau de développement et de puissance jamais égalé, et dans quasiment tous les domaines. Ceci vaut à Abraham Lincoln, d’être considéré comme le plus grand Homme d’Etat américain de tous les temps.
Plus près de nous, c’est par une victoire militaire de l’armée fédérale du Nigéria, appuyée par les forces royales, que la sécession du Biafra a été mâtée ; permettant ainsi à notre grand voisin, de devenir la première puissance du continent.
Toutes ces belles perspectives, un dialogue crisogène, parce qu’envisagé uniquement comme un raccourci politique, qui aiderait les mauvais perdants à opérer leur résurrection politique, alors même que ceux-ci refusent de se soumettre au verdict des urnes légitimé pourtant par nos institutions compétentes en matière de proclamation des résultats des votes, les rend illusoires pour le Cameroun en l’état.
J’aimerais ici dire que, ce dialogue là, plongerait le pays dans le chaos. Puisqu’il ne permettrait pas à l’élu du peuple dont on veut gripper les compétences, de recentrer judicieusement son action autour des priorités de son septennat validées par ses millions électeurs, en se dotant d’une équipe d’hommes engagés, compétents et patriotes.
De ce point de vue, le courant stratégique historiciste de Jean François Bayard, inspiré par les travaux de Charles Tilly et Norbert Elias, n’a-t-il pas raison de montrer que les conflits en Afrique sont dus à l’absence d’un véritable monopole étatique de la violence légitime. Et par conséquent, que l’affrontement entre divers mouvements armés qui conduit au triomphe du plus fort, participe à la construction de l’Etat ?
Cette théorie de la guerre semble indispensable pour la construction de la paix durable recherchée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest. On pourrait alors en conclure que sans une victoire militaire des forces publiques régulières du Cameroun sur les bandes armées se réclamant de l’Ambazonie, lesquelles sont quasiment hors contrôle, et ne contrôlent aucun territoire, la paix au Cameroun, si elle n’est obtenue qu’à travers des « colloques », restera précaire.
Vous venez d’évoquer les appels des étrangers à la rescousse, appels lancés par Maurice Kamto et d’autres opposants camerounais, pour que lesdits étrangers s’immiscent dans les affaires camerouno-camerounaises. Qu’en pensez-vous ?
Qu’il me soit permis au préalable, de rappeler ici des faits historiques. L’un concerne notre pays.
En août 1879 et mars en 1881, des compatriotes, des chefs traditionnels dont je tais les noms, avaient adressé individuellement d’abord, puis de concert, en novembre 1881, des lettres à la Reine d’Angleterre, pour demander l’application des lois anglaises, avec une administration britannique sur notre territoire.
Mais restant attachés à leurs pouvoirs et à leurs territoires, ils ne voulaient ni annexion, ni colonisation, mais un transfert de souveraineté qui ne viendrait pas remettre en cause lesdits pouvoirs. Les anglais après hésitation, et voyant que le consul Hewett ne pouvait adhérer aux exigences camerounaises, ont fini par abandonner le projet.
Les allemands, représentés par les firmes commerciales WOERMANN et JANTZEN et THOR MÄHLEN, n’ont pas laissé passer l’occasion.
Lesdites firmes, qui avaient réussi à arracher une partie importante du commerce camerounais, avaient fini par convaincre le Chancelier Bismarck, qui au départ, était hostile à toute politique coloniale, d’entreprendre au Cameroun, l’acquisition d’un protectorat.
Bismarck acquis à la cause, va rapidement dépêcher un fin connaisseur de l’Afrique, le Dr GUSTAV NACHTIGAL, le dotant des pouvoirs plénipotentiaires, pour négocier rapidement et signer des traités de transfert de souveraineté au nom du Reich Allemand. Les allemands, connaissaient très bien la volonté des « cameroons » d’ouvrir leurs territoires à l’administration moderne et à l’industrialisation moderne européenne. Ils accepteront rapidement, mais malicieusement, les conditions difficiles des rois camerounais. Ils signeront le traité. Et pour cause. Ils savaient qu’ils ne le respecteront jamais.
Ce sera en effet, le commencement de trois décennies de protectorat, au cours desquelles, les allemands imposeront leur suprématie aux peuples du Cameroun, en dépit des sévères clauses du traité limitant les pouvoirs des partenaires européens.
Dès lors, ils vont user de toutes formes de violence. Ils n’hésiteront pas à exécuter les leaders camerounais, qui à l’instar de Douala Manga Bell, de son cousin Ngosso Din Douala, de Martin Paul Samba et autres, tous pendus, osaient revendiquer leurs droits, ou le respect des clauses contractuelles.
Voilà ce à quoi aboutissent le plus souvent, les appels au secours des occidentaux : l’importation de la domination, avec à la clé, l’exécution de nos leaders, de notre souveraineté, la spoliation de nos richesses… le Chaos. Ce à quoi la soif du pouvoir de Kamto, destinerait le Cameroun. Pourvu que Kamto soit président !
Deuxième cas, la Guinée de Sékou. Le 20 août 1958, le général De Gaulle entreprend une tournée africaine, avec pour objectif : allier les colonies françaises à voter la nouvelle constitution, constitution qui prévoit l’intégration de ces colonies, à la communauté française, censée renouveler les liens entre la métropole et les territoires africains.
La rencontre avec Sékou Touré, n’a pas été une partie de plaisir pour le général, qui a vu sa proposition rejetée sans nuance, par le leader guinéen, dans un discours dont nous donnons ici un extrait : « nous avons, quant à nous, un premier et indispensable besoin. Celui de notre dignité. Or, il n’y a pas de dignité sans liberté. Car tout assujettissement, toute contrainte imposée et subie, dégrade celui sur qui elle pèse. Lui retire une part de sa qualité d’homme et en fait arbitrairement un être inférieur. Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ».
De Gaulle, considérant ce besoin de dignité et de liberté comme un affront, répondit : « cette communauté, la France la propose ; personne n’est tenu d’y adhérer. On a parlé d’indépendance, je dis ici haut encore qu’ailleurs, que l’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre, elle peut la prendre le 28 septembre, en disant « non » à la proposition qui lui est faite, et dans ce cas, je garantis que la métropole n’y fera pas obstacle ».
Suite à ce discours de De Gaulle et au bouillonnement intellectuel de son parti, Sékou Touré vote le « Non », et confirme ainsi son opposition à la constitution de la 05ème République. Comme promis, De Gaulle déclare la Guinée Conakry indépendante le 06 octobre 1958.
Mais comme si personne n’était libre de rejeter son projet, contredisant par les faits, la réponse qu’il a donnée à Sékou Touré, De Gaulle a pris le « Non » pour un affront. La République de Guinée sera sevrée, en représailles, des investissements français. Les fonctionnaires français seront priés de quitter, au plus vite, le territoire guinéen. Les relations diplomatiques entre les deux pays seront glaciales. En 1965, c’est la rupture du dialogue diplomatique entre les deux pays.
En recourant à l’aide extérieure, pour résoudre des problèmes sociopolitiques internes, Kamto et ses affidées ethno-fascistes, dont certains n’hésitent pas honteusement, à se réclamer du grand nationaliste camerounais, Ruben Um Nyobé, auraient-ils déjà, en contrepartie du pouvoir politique sous forme de rognure, que leurs maîtres leur promettraient, au détriment du Cameroun et de leur dignité, accepté de s’assujettir ? Au point de perdre, comme l’avait dit Sékou Touré, de devenir, par la perte de leur « qualité d’homme », des « êtres inférieurs ».
En tout cas, nous l’avons déjà dit ici. Lorsque des acteurs politiques, à l’instar de Kamto et ses affidées, n’entrevoient plus, pour leur pays, que le pire, comme solution à ses problèmes, c’est qu’ils sont déjà essoufflés.
Il n’y a donc rien à redouter d’une démarche antinationale qui, pour toutes ces considérations, et bien d’autres, ne saurait prospérer.
« Le Cameroun c’est le Cameroun ». Cet adage est connu de tous les camerounais. Lors de sa visite d’Etat au Cameroun, le 03 juillet 2015, le président français, François Hollande, à propos de la position hautement stratégique du Cameroun dans le Golfe de Guinée, déclarait : « ici au Cameroun, vous êtes l’Afrique et vous êtes finalement le symbole de l’Afrique : Afrique anglophone, Afrique avec toutes ses religions qui sont ici présentes, Afrique qui permet aussi de vivre en paix, ou qui doit permettre de vivre en paix… »
En tout état de cause, on ne s’aventure pas à venir semer le vent dans un pays aussi pluriel que le nôtre, sans s’exposer à devoir après, récolter la tempête. Et les prémices de cette tempête, ont bien lavé le cerveau des députés du parlement européen, après leurs injonctions faites à notre pays, pour la gestion de l’individu Kamto, un justiciable de droit commun comme les autres, qu’on veut placer au-dessus de notre Etat et de ses lois ; ainsi que celle de la crise dite anglophone, dont on a consciemment surdimensionnée l’évaluation.
En effet, pour le caractère arrogant et méprisant de leur ingérence vis-à-vis du Cameroun, de son peuple et de ses institutions, les députés européens, se sont heurtés à un repli nationaliste sans faiblesse, à travers les dénonciations motivées des pouvoirs publics camerounais. Je ne crois pas que ces députés européens s’étaient, au préalable, posés la question stratégique de savoir l’issue souhaitée, et comment ils devaient se positionner pour accroître les chances d’y parvenir.
Car, s’ils se l’étaient posée, par rapport au contexte démocratique camerounais actuel, ils auraient, sans nul doute, su qu’ils ne sont pas à même d’ébranler le fonctionnement de nos solides institutions légitimes, dont la clé de voûte est le président Paul Biya qui, grâce à la démocratie qu’il développe et consolide dans notre pays, tient sa légitimité du peuple souverain, non point d’une quelconque tutelle étrangère. Et ce Cameroun donc, chaque jour, plus démocratique, ne sera plus jamais perméable à la politique impérialiste atavique, à laquelle certains occidentaux sont restés fidèles. Malgré une Chine qui, par ailleurs, continue d’accroître sa puissance, tout en offrant une coopération plus civilisée.
Le 12 juillet 2009 au Ghana, l’ancien président américain, Barack Obama, avait dénoncé l’arrogance occidentale en ces termes : « il est facile de pointer du doigt, et de rejeter la responsabilité de ces problèmes sur les autres. Oui, une carte coloniale qui n’a aucun sens apporte nécessairement des conflits… et l’Occident a souvent abordé l’Afrique en tant que patron, plutôt que comme partenaire… »
Or, le repère a bougé. Il est temps de convertir cette arrogance en humilité.
En effet, c’est notoire, les occidentaux viennent chez nous pour faire les affaires, et non par philanthropie. Or, les bonnes affaires, au contraire de ce qu’ils pensent, en créant des conflits ethniques et autres, en liquéfiant nos Etats, pour piller nos richesses sans tenir compte de nos intérêts, ne s’accommodent pas d’un climat de violence, mais de la stabilité et de la paix, que seuls des Etats forts garantissent.
Dans leur rapport de mai 2015 sur « la stabilité et le développement en Afrique francophone », les députés français en conclusion dudit rapport, soulignaient l’urgence d’un « dialogue politique suivi avec les partenaires africains, pour une relation durable et mutuellement profitable »… car, écrivaient-ils, « l’on ne dira jamais assez que c’est aussi sur la base du dialogue politique que les relations économiques solides se construisent et non l’inverse ».
Cette approche civilisationnelle de la coopération, exclut des perturbations communicationnelles qui, à l’instar des injonctions des députés européens aux autorités camerounaises sus-évoquées, comme le pense le philosophe Jügen Habermas, engendrent la violence.
Pour sa part, le président Paul Biya, dans sa quête permanente de la paix, du développement dans le respect des libertés et de la dignité humaine, recevant François Hollande, le 03 juillet 2015 à Yaoundé, a clairement défini les normes d’action d’une relation « durable et mutuellement » profitable. Ce sont : « le respect qu’on se porte mutuellement, la qualité, la profondeur, la sincérité et la richesse des liens ». C’est son crédo. Avis.
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