Selon le Dr Henri Fotso, artiste et Président du Groupe de recherche, d’animation culturelle et de critique d’arts du spectacle (GRACAS), la quête d’une « Loi portant statut professionnel de l’artiste au Cameroun » est une nécessité collective, un besoin urgent, un impératif républicain. En savoir davantage.
PLAIDOYER AUX PARLEMENTAIRES CAMEROUNAIS POUR LE STATUT PROFESSIONNEL DE L’ARTISTE
Lundi 8 juillet 2024
Chers parlementaires du peuple camerounais,
Une loi régissant le statut professionnel de l’artiste encadre d’abord les travailleurs des industries créatives et culturelles. Les industries créatives et culturelles renvoient à des entreprises des plus petites aux oligopoles de la création et de la diffusion culturelles. Il s’agit des entreprises du registre du commerce, quand elles ne sont pas dans l’informel. Les industries créatives et culturelles sont ainsi à but lucratif.
Contrairement aux industries créatives et culturelles, les associations culturelles sont des organisations à but non lucratif. Elles ne peuvent être créatrices et distributrices d’œuvres culturelles lucratives que dans le cadre très limité de leurs activités génératrices de revenus autorisées par la loi. Mais telle n’est pas leur mission essentielle : générer du bénéfice. Les associations culturelles regroupent d’ailleurs des acteurs censés venir des industries créatives et culturelles, sauf s’il s’agit des associations à intérêt identitaire et patrimonial. Même dans une prétention de légitimité, les acteurs d’industries créatives et culturelles ne peuvent accéder à la légalité dans leur constitution en associations que si leurs métiers sont fondamentalement reconnus et classifiés par une loi portant statut professionnel.
Ainsi, la structuration du secteur créatif et culturel d’une nation se base sur ses agents industriels et ses industries, dans un premier temps. Les associations culturelles viennent inscrire au tableau, à terme, des volontaires issus de la catégorie des employeurs ou de la catégorie des employés légaux. Sans entreprises légales et travailleurs légaux, en effet, il n’y a pas d’associations légales d’employés ou d’employeurs.
Qu’est-ce qu’un employé ou un employeur légal ?
Un employé ou un employeur légal est un acteur qui produit ou contribue à produire de la richesse, dans le cadre d’une activité régie par une loi portant statut professionnel ou reconnue par le code du travail. Hors de ce cadre régi, il y a confusion. Il y a illégitimité. Il y a illégalité. Et lorsque triomphent illégitimité et illégalité, il y a atteinte aux droits et devoirs.
C’est pourquoi la quête d’une « Loi portant statut professionnel de l’artiste au Cameroun » est une nécessité collective, un besoin urgent, un impératif républicain. Le Cameroun, antre des gloires culturelles universellement reconnues, terre de promesses créatives et culturelles, ne peut justifier dans le contexte global des industries culturelles et créatives une absence de « Loi portant statut professionnel de l’artiste ». C’est la voie tracée par l’Unesco dont le Cameroun est membre. C’est ce qui est fait depuis des décennies dans les pays avancés comme la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre, etc. C’est ce qui est fait dans des pays africains comme le Maroc, le Sénégal, le Niger, l’Afrique du sud, etc. C’est l’instrument indispensable pour le développement humain et l’atteinte des objectifs du millénaire dans le secteur des arts et de la culture.
Une structuration du secteur des arts et de la culture au Cameroun, qui exclurait, le statut professionnel de l’artiste et donc le volet industriel créatif et culturel est une gigantesque charrue avant des bœufs faméliques : une chimère, pure illusion. Car la production et la diffusion culturelles sont dominées au Cameroun, comme partout ailleurs dans le monde, par des industries créatives et culturelles et non par des associations culturelles à but non lucratif. Prenons les cas de l’audiovisuel, du cinéma et de la musique :
Les cas de l’audiovisuel, du cinéma et de la musique
L’audiovisuel, le cinéma et la musique au Cameroun sont dominés par des producteurs et diffuseurs locaux et étrangers qui sont nullement organisés en association culturelle à but non lucratif. L’audiovisuel, le cinéma et la musique au Cameroun sont dominés par des entreprises des registres du commerce national et étrangers. Le capital et le bénéfice y constituent la règle. Ces entreprises font, pour ce qui est de l’audiovisuel et du cinéma, le meilleur de leurs chiffres d’affaires, y compris le Cameroun, en Afrique subaérienne. Et il n’y a point d’audiovisuel ni de cinéma sans musique. Nous nous abstenons de vous accabler des chiffres faramineux mais que vous pouvez consulter sur Google.
Chers parlementaires, chers mandataires du peuple camerounais, nous dirions au total que la meilleure structuration des métiers des arts et culture au Cameroun cerne, en théorie, les entreprises créatives et culturelles où sont censés évoluer les acteurs organisés en associations culturelles d’employés ou d’employeurs. La pratique ne saurait aller contre. D’où l’écho incessant de la « Proposition de loi portant statut professionnel de l’artiste au Cameroun », que vous avez dans vos murs, et qui retentit dans nos cœurs et neurones.
Bonne continuation de vos travaux de session et gratitude infinie pour vos services à la nation !
(é) Dr Henri Fotso