Une marée humaine pour accueillir le président de la République de Côte d’Ivoire d’octobre 2000 à avril 2011, la police et la gendarmerie font pleuvoir du gaz lacrymogène sur les pro-Gbagbo ; une artillerie lourde mise en action dans Abidjan ; Chasse à l’homme dans la capitale économique, Port-Bouët en champ de guerre ; De nombreux journalistes refoulés à l’entrée de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny de Port-Bouët, situé dans le sud d’Abidjan, où l’airbus A330 de la compagnie Brussels Airlines qui transportait Laurent Gbagbo devait atterrir. Récit inédit et ambiance chaude à Abidjan.
Le président de la République de Côte d’Ivoire d’octobre 2000 à avril 2011, Laurent Gbagbo, est rentré dans son pays, jeudi 17 juin 2021, comme annoncé. L’airbus A330 de la compagnie Brussels Airlines qui le transportait devait atterrir à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny de Port-Bouët, dans le sud d’Abidjan, capitale économique du pays, à 15 h 45. Mais il a accusé un retard de 41 mn, ce qui l’a conduit à arriver dans le ciel ivoirien quelque temps après l’heure initialement indiqué.
Il était 16 h 13minutes, quand des cris de joie venant de presque partout autour de l’aéroport se faisaient entendre. Dans le ciel, un avion survolant l’aéroport tentait d’atterrir. Comme prévu, 16 h 30 environ, l’avion qui transportait l’ancien président ivoirien, acquitté des crimes contre l’humanité que la Cour pénale internationale (Cpi) lui imputait dans le cadre de la grave crise post-électorale de 2010-2011, s’est immobilisé. L’ex-chef de l’État en est sorti, vêtu d’une chemise de couleur bleue, cousue dans un style qu’il affectionne. À son accueil, une foule immense est présente. Des officiels du Front populaire ivoirien (Fpi), les deux tendances opposées réunies. Pascal Affi N’Guessan était là. Simone Éhivet Gbagbo également. Des chefs coutumiers, des leaders de partis politiques d’opposition, de nombreux militants. Et surtout de nombreux agents des forces de sécurité. Il était difficile pour Laurent Gbagbo de se frayer un chemin, il était tenu par la main par son garde du corps, mais aussi par son gendre, Stéphane Kipré, le président de l’Union des nouvelles générations (Ung) qui jouait en même temps plusieurs rôles dans la sécurité.
Avant d’embarquer dans le véhicule qui était affrété, Laurent Gbagbo sorti, de la salle de débarquement, a retrouvé Simone Gbagbo, son épouse et deuxième vice-président du Fpi qu’il dirige. Elle l’a pris par la main, et il lui a parlé pratiquement à l’oreille. Ensuite, il a embarqué dans son véhicule de commandement. L’atmosphère était chaude et chaleureuse. Tous voulaient le voir et le toucher.
L’ex-chef de l’État n’est pas passé par le salon présidentiel comme prévu. Il a certes été accueilli au pavillon, mais n’est pas entré dans le salon. Il n’est pas sorti par la porte vitrée qui donne sur la grande esplanade. Son véhicule a simplement contourné par la grande grille. Selon les informations données par le camp Gbagbo avant son arrivée, le pouvoir avait autorisé le comité d’organisation de son arrivée à utiliser le pavillon présidentiel. Finalement, il s’est passé autre chose.
Port-Bouët, champ de guerre
Au grand dam des partisans de l’ancien président qui rentrait le 17 juin au pays, les forces de sécurité ont sorti la grande artillerie pour cet accueil qui devait être populaire, selon les organisateurs. La Police et la gendarmerie nationales ont sorti leurs plus beaux et redoutables engins de combat et de maintien de l’ordre pour empêcher les partisans de Laurent Gbagbo de déferler sur l’aéroport de Port-Bouët. Dans la commune balnéaire d’Abidjan abritant cet aéroport, ces populations ont subi la furia des forces armées. Ils ont fait tomber sur les partisans de l’opposition, dont la plupart sont acquis à Laurent Gbagbo, une pluie de gaz lacrymogènes. Les détonations de ces engins explosifs faisaient rappeler la grave crise de 2010-2011. La belle commune du député-maire Dr Emmou Sylvestre s’est transformée en un champ de guerre, où les acteurs étaient les forces de sécurité dans leurs véhicules avant blindés, leurs cargos et leurs tout-terrains d’intervention et leurs camions lance-eau. Et en face d’eux, des enfants, des jeunes, des femmes, des hommes qui espéraient accéder à l’aéroport. Tout autour de l’aéroport, c’étaient des détonations, du gaz suffoquant et insupportables. Même dans des quartiers très éloignés comme Yopougon, une commune réputée favorable à l’ex-président, ses partisans et des populations ont respiré du gaz lacrymogène, des personnes ont été pourchassées, bastonnées, et interpellées par la Police.
Une chasse à l’homme a été observée à des endroits stratégiques de la ville. C’est la commune de Port-Bouët qui a été la plus touchée. Ce gaz se répandait dans les maisons, dans les entreprises, dans des pharmacies, des marchés et autres commerces, causant d’énormes désagréments. Tout regroupement de plus de deux personnes étaient tout de suite dispersé. Un véritable état de siège. Le carrefour Akwaba était bondé de policiers et de gendarmes dont le zèle rivalisait avec les tenues qu’ils arboraient. Des véhicules 4×4 surmontés de mitrailleuses lourdes sillonnaient pour certainement dissuader les manifestants. C’était gaz lacrymogène contre pierres. Un combat épique qui s’est finalement estompé avec le départ du cortège de Laurent Gbagbo de l’aéroport en direction de son Quartier général (Qg), à Cocody Riviera Attoban. Cependant, l’atmosphère autour de cet accueil de Laurent Gbagbo a fait dire à son porte-parole, Justin Katinan Koné, que le Fpi craint pour la sécurité de son chef. Quant aux avocats de Gbagbo qui ont fait le travail de défense de l’ancien président ivoirien, ils l’ont accmpagné jusqu’au bout. Maître Emmanuel Altit, conseil principal de l’homme à la Cpi, et Jennifer Naouri, étaient aux côtés de l’ancien président à son arrivée à Abidjan. Maître Habiba Touré, son avocate personnelle, aussi. Ils sont restés avec lui jusqu’au bout. Quant aux journalistes, beaucoup ont eu du mal à travailler sereinement., À l’aéroport, le car de transport affrété par la Commission communication du comité d’accueil de Laurent Gbagbo, qui transportait de nombreux journalistes, a été purement et simplement refoulé à l’entrée de l’aéroport. Aucun moyen de faire changer d’avis aux gendarmes et policiers installés à un check-point en face du Radisson Blu de Port-Bouët. En fin de compte, Laurent Gbagbo a été accueilli à son Qg par une foule en liesse, dans une communion totale. Tous ont salué le retour au pays natal de ce digne fils de Côte d’ivoire.
Afriquepremiere.net avec Hervé KPODION à Abidjan